Rencontre avec Corinne Lassoie, de Wallonie (Belgique)

J’ai fait des études de tourisme et c’est dans ce domaine que je travaillais mais ma vie a basculé deux fois. Tout d’abord quand j’avais 24 ans et que je me suis retrouvée en chaise roulante suite à mon premier accouchement et puis il y a sept ans quand mon mari m’a quittée.

Corinne Lassoie

Souffrant d’un handicap lourd, incapable de vivre seule, je me suis battue pour pourvoir continuer à vivre chez moi avec mes enfants, continuer à assumer mon rôle de mère comme je l’avais toujours fait et bénéficier d’une aide préservant notre équilibre.

Je bénéficie du BAP (Budget d’Assistance Personnelle) maintenant depuis cinq ans.

Si mon objectif premier était d’assurer ma survie et celle de ma famille, j’ai peu à peu retrouvé une qualité de vie grâce à l’aide que je recevais, ayant de nouveau «des mains» me permettant des activités auxquelles j’avais dû depuis longtemps renoncer.

Aujourd’hui, sans exagérer, je parlerai de renaissance. J’ai retrouvé une vie sociale, des activités et le goût de vivre. Je me suis surtout retrouvée, moi. Je ne me rendais pas compte à quel point je m’étais oubliée.

Mes enfants ont grandi, les rôles n’ont jamais été inversés et c’est naturellement et sereinement qu’ils prendront un jour leur envol».

Quelle est votre expérience personnelle du handicap?

Mon accouchement a été le déclencheur de la maladie de Devic, une maladie auto-immune touchant la moelle épinière et le nerf optique. J’ai une atteinte des quatre membres et je suis presque aveugle. La maladie est connue depuis peu et évolue très vite. Durant plus de 10 ans on m’a posé des diagnostics différents et j’ai essayé plusieurs traitements qui heureusement semblent avoir stoppé la maladie, enfin je croise les doigts.

Comment avez-vous découvert le mouvement ‘Independent Living’?

En 2003 le budget d’assistance personnelle était « dans l’air » en région Wallonne grâce au militantisme alors qu’il était déjà officiel en Flandre. Je n’ai découvert ses origines, le mouvement Independent Living que bien plus tard mais, sans le savoir, depuis ma première lettre à la ministre j’en défendais tous les principes !

Y a-t-il un domaine d’ Independent Living qui vous intéresse particulièrement ?

Tout d’abord, le respect et la dignité de la personne et donc un intérêt particulier pour la qualité des services qui lui seront proposés. Ensuite, la possibilité pour la personne de ne plus être son handicap mais un citoyen à part entière ! C’est une lente évolution, une prise de conscience tant pour la personne elle-même qu’au niveau de la société. Un vrai défi !

Qui vous a influencé le plus, et comment?

Tout d’abord des lectures, le rapport de l’université de Mons qui suivait le projet wallon, le hasard d’un article sur le Freedom Drive et un site français où j’ai découvert le mouvement et particulièrement un texte d’Adolf Ratzka : «Independent Living émancipe les personnes en situation de handicap». Et puis des rencontres avec des bénéficiaires flamands ou comme l’année passée, rencontres européennes à l’occasion de journées de conférences organisées par le centre d’expertise de la vie autonome de Gand, dont Jamie Bolling. Vous n’êtes pas seuls !

De quelles réalisations personnelles êtes-vous la plus fière?

Mes enfants, ma famille. Une chaise roulante est une image difficile à porter et un handicap lourd difficile à vivre et vous devez donc toujours vous battre sur bien des fronts mais j’ai gagné !

J’ai aussi créé récemment une association de bénéficiaires de budget d’assistance personnelle «Ensemble pour une vie autonome» (www.eva-bap.be) sur le modèle et avec le soutien de l’association flamande «Onafhankelijk Leven» afin de promouvoir et défendre le droit à la vie autonome en Wallonie.

Avez-vous un proverbe ou dicton favori?

Pas sur le plan personnel mais sur le plan associatif, j’ai lu récemment une phrase de Gandhi : « ce que tu fais pour moi, mais sans moi, tu le fais contre moi »…slogan de ENIL !

Qu’est-ce qui vous motive à vous lever le matin?

Honnêtement, je voudrais parfois ne plus me réveiller car je n’ai jamais accepté ma dépendance et le premier transfert de la journée pour me sortir de mon lit me paraît toujours aussi lourd même après plus de 20 ans et puis, il y a cette force inexplicable qui vous tire par le bout du nez !

Qu’aimez-vous faire quand vous ne travaillez pas?

J’aime beaucoup cuisiner, créer, innover dans de nombreux domaines : décoration, jardin, couture (adapter des vêtements),… ce que je peux encore faire grâce à mes assistants qui sont mes mains. Et profiter du soleil quand il est là !

Si vous pouviez inviter quelqu’un à un dîner, qui serait votre invité idéal?

Le Dalaï-Lama pour trouver le chemin de la paix et de la sérénité. Ouvrir les coeurs et rendre à l’être humain toute sa valeur.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes adultes ayant un handicap?

Soyez fiers de la personne que vous êtes, ne laissez pas les représentations négatives de la société devenir votre miroir. Essayez de vous en protéger mais sans vous isoler et partagez avec vos pairs, c’est toujours enrichissant.

 

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